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Concours "Mon Voyage au Japon"
Le 25 avril dernier l'association Jipango a organisé une soirée de remisedes prix. Ci-dessus la photo souvenir avec quelques uns des participants.
Anne constant
Serge Adler
Aurelie champ
Marc Brevot
Biruta kresling
JC Boilevin
Magali Cron-faure
Flore Coumau
Lise Drieux
Emilie Hem
Constance Fulda
Tobata Devynck
Franck Ferrandis
krisma (Gwenael Le Youdec)
Kagchris (Gaempio-Killy Christine)
Philippe Guibal
Guillaume Paccoud
Jean-Marc Zelwer
Aymeric Zils
Flavien Boisnault
Yasmina Khelifi
Marion Paupert
Sandrine Tabard
Philippe Henrotte
Sue Schneider
MC Courteille
Bussiene Laurent
Isabelle Loiseau
Christian Riera |
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Vous avez été très nombreux à nous envoyer vos témoignages et nous vous en remercions. La variété des styles et la très grande qualité des textes et des images a rendu difficile la tache du jury. C'est avec plaisir que nous vous annonçons le nom du gagnant : M.Christian Riera (Croissy-sur-Seine) qui se voit offrir un aller-retour Paris-Tokyo sur Air France. Son récit (voir ci-dessous) est à la fois original et chaleureux. 2e prix : Sue Schneider. Elle gagne une peinture japonaise offerte par l'Office National du Tourisme Japonais. 3e prix : F.G.Ferrandis. Il gagne un livre offert par la librairie Bunkado.
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Le bestiaire de Kevin par Christian Riera
Préliminaire
Mon voyage au Japon, c'est avec les yeux de mon fils Kevin que je vous le raconterai, en particulier au fil de ses rencontres
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Un sento à Shibuya
Tout nu, assis sur un petit bac, je me savonne et je prends bien soin de me rincer plusieurs fois avant de me plonger dans le bain d'eau bouillante
non sans grimacer ! L'homme près de moi ne sourcille pas.
La température de l'eau peut atteindre 45°C voire plus mais n'hésitez pas (sauf avis medical contraire !) à goûter au plaisir du sento (bain public)

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Les lapins du parc Yoyogi à Tokyo
Les buildings du quartier de Shinjuku au loin, je traverse une grande clairière à l'orée du sous-bois qu'il faut emprunter pour aller au temple Meiji et puis passer sous le grand Torii. C'est là que je rencontre de petits lapins qui jouent au coeur de Tokyo.
A l'occasion des fêtes de fin d'année, vous pourrez vous promener la nuit tombée dans le parc illuminé de nombreux "braseros". De multiples étals sont installés dans le parc et à ses entrées, en particulier sur les fameux "Champs Elysées" d'Harajuku. Vous pourrez vous y restaurer.
Les trois singes de Nikko
"Ne rien écouter, ne rien regarder et ne rien dire de mauvais."
J'ai un secret à vous révéler : lui à gauche, il a voulu m'écouter ;
lui à droite, il m'a regardé et lui au centre, il m'a parlé, mais je n'ai pas tout compris !
Vous pourrez faire de merveilleuses randonnées dans le parc national de Nikko. Vous y découvrirez de nombreux temples et vous pourrez vous rendre au mausolée Tokugawa Ieyasu, fondateur de la fameuse dynastie shogunale (1603 1867).
La biche de Nara
La petite biche de Nara n'a aucune crainte et je peux même la caresser. Longtemps, elle nous suit et puis s'en va rejoindre ses compagnes. L'une d'elles a un il sans vie, je veux l'approcher, la soigner
, avertir un gardien
Au temple Todaiji, je rencontre un boudha "thérapeute". Je lui parle de la biche blessée.
Sur la route du sanctuaire Kasuga Taisha, bordée de lanternes de pierre et de bronze, nous avançons. Dans la forêt, je rencontre un grand cerf bienveillant, figé dans la pierre. Je lui parle de la biche blessée.
De 710 à 784 (période dite de Nara), première capitale fixe du Japon. Nara abrite de nombreux trésors artistiques témoignant d'un des âges d'or de la civilisation japonaise
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Himeji : les carpes du parc Koko-en
L'un des neuf jardins du parc Koko-en : Oyashiki-no-niwa avec son étang, devant moi le château d'Himeji, j'imagine des guerriers ninjas qui escaladent les ramparts. Un vieil homme s'approche et assène un grand coup de pied sur le ponton en bois. Une multitude de carpes colorées apparaissent alors. Elles viennent vers moi, tourbillons de couleurs qui m'émerveillent
Si vous décidez d'une halte à Himeji, outre bien sûr, le magnifique château du Héron blanc, n'oubliez surtout pas de visiter les jardins enchanteurs du parc Koko-en.
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Miyajima : le singe du mont Misen
Le ferry pour rejoindre une île féérique, la baie d'Hiroshima et la beauté de la mer intérieure, les biches pour nous accueillir, le voyage en téléphérique, nous traversons enfin le parc aux singes et soudain, un singe m'immobilise les bras et veut s'emparer de ma boisson ! Je crie, oui c'est vrai, je pleure ! Il s'enfuit. Quelques marcheurs plaisantent. Nous reprenons notre marche vers le mont Misen. Au retour, nous repassons par le parc aux singes. Je n'ai pas peur et puis je quitte l'île de Miyajima avec une flèche "Hamaya" que je me procure au sanctuaire d'Itsukushima ! Une jeune fille me dit que cette flèche me protégera pour toute la nouvelle année.
Ne partez pas de l'île sans consacrer un peu de temps au petit centre ville, pour les amateurs d'huîtres chaudes, ce sera un régal et vous pourrez également vous procurer des petits gâteaux momiji manju qui tirent leur nom de leur forme en feuille d'érable, tout en assistant à leur fabrication artisanale.
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Les mouettes de Yokohama
On m'a parlé des grands navires noirs d'un commandant qui vînt ici, il y a très longtemps à l'époque du Shogun. Sur le front de mer, je ne vois que les mouettes du port de Yokohama près d'un grand bateau musée. Le vent souffle très fort.
En montant tout en haut du phare du port de Yokohama, vous bénéficierez d'une vue imprenable sur la baie de Tokyo. Et puis allez à la rencontre des mouettes sur la jetée et écoutez. Elles gardent peut-être pour nous quelque chose du chant de la création.
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Feux insolites par Sue SCHNEIDER
Le cri aigu des cigales semble s'étouffer dans l'air encore alourdi de chaleur à la tombée de la nuit. Vêtus de yukatas, kimonos estivaux en coton coloré, de jeunes japonaises manient avec grâce leurs évantails en papier, ainsi que leurs télélphones portables omniprésents. Elles se mêlent à la foule bruyante des vivants munis de mouchoirs en papier ou serviettes de toilette - histoire de se protèger contre la chaleur - qui s'avance en se bousculant à la quête de ses ancêtres. C'est la période du Bon, ou la fête des morts le moment où les âmes des défunts reviennent sur les lieux de leur vie passée
C'est à la campagne - loin des oasis contemporaines climatisées des centres commerciaux et des quartiers raffinés où l'on prétend toujours apercevoir la vraie âme d'un pays. C'est là où l'on cherche des expériences authentiques': le côtoiement d'une culture plus pure, moins souillée' par ce que l'on appelle le progrès'. Et au Japon lors de mon séjour d'environ cinq ans c'est à la campagne où je pense avoir trouvé un aperçu de ce Japon si peu disposé a se dévoiler complètement, comme la lumière ambrée filtrée à travers un sudare, store en bambou. C'est ce Japon qui continue à m'intriguer et qui existe peut-être encore dans les feux insolites des festivitiés estivales de la période du Bon destinées a accueillir les morts. C'est le taimatsu de Hirogawara et le festival des bougies de Koyasan en particulier qui résument pour moi les deux extrêmes de la vision que je cherchais au Japon. L'un dans son défoulement frénétique et vital; l'autre dans sa sobre beauté fragile et secrète. Les deux restent loin des images hi-tech, d'économie frémissante et d'automates d'entreprise qui ont aujourd'hui tendance à primer sur nos évocations plus romanesques du pays du soleil levant.
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Le taimatsu ou festival de feu de Hirogawara, village qui se situe à une trentaine de kilomètres au nord de Kyoto, fournit un aperçu d'un univers sacré que l'on espère exister encore. Le cri des cigales s'estompe dans les battements du taiko, tambour solennel au ton évocateur d'une essence primitive, presque sauvage. La foule se calme - seuls les photographes continuent à s'agiter frénétiquement derrière leurs trépieds - pendant que le battement des tambours prend son allure et le rythme devient presque brutal, insistant, troublant.
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Des hommes vêtus en fundoshi, un simple pagne autour du pelvis, allument des torches. Le taiko continue à marquer le tempo, pendant que ces hommes se mettent à allumer des milliers de torches qui entourent un énorme taimatsu tronc de cryptomère mesurant 30m de hauteur. La nuit se trouve parsemée de petites lumières qui scintillent pour les ancêtres que l'on croit être dans les environs. Le chant commence guttural, insolite et également troublant, comme s'il touchait a la moelle de l'âme.
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Une fois toutes les torches allumées, les hommes les prennent et les lancent au sommet du taimatsu afin d'y mettre le feu. La foule les encourage. Le taiko devient plus frénétique lorsqu'une torche menace d'effleurer l'abre sacrificatoire. Dès qu'une torche lancée arrive a déclencher des étincelles dans le bûcher la foule s'exclame, fascinée par la beauté en même temps que par la cruauté des flammes naissantes. Les lancements de torches deviennent plus frénétiques, le taiko orgasmique. Finalement englouti par les flammes, le taimatsu subit son sort et tombe, victime, en une gigantesque colonne de feu sacré. Le rituel accompli, les festivités continuent tard dans la nuit, bien arrosées au saké, nectar des dieux.
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Loin de la frénésie rustique de Hirogawara, dans la nécropole de Koyasan, le rosokumatsuri ou festival des bougies transforme ce siège de bouddhisme Shingon avec ses monastères austères en paysage féerique et solonel grâce à des milliers de flammes frêles posées à la main par ceux qui cherchent à éclairer le chemin des ancêtres. La foule est toujours là, mais elle avance doucement l'ambiance qui règne dans le cimetière semblant plutôt pousser à la réflexion, au désir de la solitude. Au fur et à mesure que les pèlerins car il s'agit en effet d'un pèlerinage personnel sur le pas des défunts s'approchent du sanctuaire profond' Okunoin, la solennité s'impose. Enfants, salarymen', adolescents aux cheveux chappatsu couleur carotte, vieilles dames pliées en deux, résultat d'une vie passée dans les rizères tout un microcosme de la société nippone se retrouve déambulant dans ce cimetière vaste et imposant. Les petites flammes des bougies délimitent le bord du chemin et laissent découvrir des cryptomères intemporels, des statues de Jizo, gardien des enfants perdus, et les ombres des tombes
tantôt la tombe aux militaires japonais disparus en Birmanie toujours surmontée d'un drapeau impérialiste
tantôt la tombe de l'entreprise UCC Coffee, surmontée d'une énorme tasse de café en béton
même dans la mort on peut ainsi rester fidèle a son enterprise
A Okunoin, ce sanctuaire profond, le Varanasi du Japon, des bougies en forme de lotus annoncent l'entrée du mausolée de Kobo Daishi. Endroit sacré, transformé en lanterne magique par la lueur des petites flammes posées par foi, croyance, fierté ou même peut-être par indifférence. Qui sait. Endroit où la sérénité domine même les téléphones portables semblent amortis pour ne pas trop déranger les esprits dont on ne peut douter de l'existence.
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Frénésie et féerie les deux pôles de l'âme japonaise que je crois avoir aperçu en quelque sorte dans ces feux insolites. Illusoire, peut-être, mais comme dans les arts martiaux ou tradionnels du Japon, c'est le chemin qui est en soi le but et c'est tout ce qui est éphémère qui charme. Une petite bougie qui se consume ou un taimatsu qui tombe peut représenter ce moment transitoire. Le symbole peut-être d'un petit pas vers l'au-delà. Ou au moins un petit pas hors du quotidien qui avance dans la direction de mes propres rêves.
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Le Tombeau d'Acier par F. G. Ferrandis
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1/3 l'Après déjeuner
Aichi Ken, halte au village de Seto : chez M. et Mme K.
La nature se remettait d'avoir été bue toute la matinée par un astre blanc. La terrasse est un belvédère écrasé de soleil, embaumant les essences de chênes. La terre y déploie pour le spectateur ses espaces comme autant versets à parcourir*.
* Seto et ses environs, à raison, seront le cadre de la prochaine Exposition Universelle, ayant pour thème l'harmonie avec l'environnement.
Jeune Bozu (moine errant) : Pourquoi enjoliver, pourquoi chercher à mettre sur un plan littéraire des faits sous des cieux en en déséquilibre ou les fatalités (karma) sont bousculées du chemin, pourquoi donner des airs de fiction en ces espaces où tout le corps exprime, comme si s'était notre âme même, un inexorable désir de ressentir autrement les évènements ? Nous ne devons pas mentir, surtout lorsqu'il s'agit de l'essence même des choses.
Naoko San (photographe) : Je n'ai pas besoin de religion. Le désir façonne mes images*. J'ai besoin de disposer de mon angoisse*, une angoisse rendue aussi fine que toutes les aiguilles des boussoles de l'Enfer parfois
*la souffrance, la cause de la souffrance, la destruction de la souffrance et le moyen pour y parvenir sont enseignés par le bouddhisme.
L'étranger : Je n'ai pas saisi toute votre conversation. Mon japonais est bien mauvais. Que fait-on ?
Naoko San mutine : Allons visiter le Temple Jokoji à quelques kilomètres d'ici, un lac superbe sera sur notre chemin.
Monsieur K. intervenant les mots brûlants d'inquiétude : N'y allez pas ! C'est un lieu bien trop isolé, il n'y a âme qui vive
Madame K. les yeux affolés : L'année dernière un jeune couple disparu y a été retrouvé noyé
cette montagne a mauvaise réputation ! ! !
Jeune Bozu pensif : Le pauvre cur accablé des êtres humains
pour ce pauvre cur fourbu et piaffant dans sa châsse, la vie n'est t-elle pas accumulation de passions inconcevables et révoltantes ?
Monsieur K. neutre : on a parlé de meurtre plutôt que de suicide
L'étranger souriant : On se gardera du loup.
Puis replongeant dans son guide « Lovely Planet »: Ce temple isolé est un chef-d'uvre unique du XIIe siècle, un véritable meuble, d'une maîtrise parfaite, il est reconnu au patrimoine mondial par l'UNESCO
Jeune Bozu serin : Sans moi, il fait trop chaud. La visite sera belle : la nature y est exubérante.
Puis fixant alors d'un il torve la solide barrière verte des monts lointains : Vallée ou Frange d'invisible tremblante de secrets ? L'Empereur Fujiwara y conservait un village pour son usage secret dit-on
Monsieur et Madame K. se regardent interdits.
Madame K. s'absente brusquement, revient les mains serties d'horribles têtes de démons en acier : Quelle horreur ! Des Karasu Tengu ! !
Le Jeune Bozu a disparu, comme dissout par l'air.
Madame K. sombre et impérative : Prenez ceci. La nuit tombe vite, REVENNEZ AVANT 18h, la montagne est si sinueuse,
on s'y perd
Oma Mori à la ceinture, Naoko et l'étranger remercient sans réellement pouvoir dissimuler un amusement.
2/3 Au cur des dédales du palais végétal
Récit de l'étranger : Nous quittons l'îlot millénaire du village de Seto, cerné de toute part par une campagne grasse et luxuriante d'un vert Fou. Le Nissan roule à une allure folle sur une route luisante. Orgueil de la jeune démone de dépasser les autres. Conduite à gauche. Peu habitué, je m'attends à être broyé à tout moment.
Forêt paisible, silencieuse, immensités comme de nuages tissées, montagne moite d'où s'élève un air liquide.
En cette brume d'eau tiède, les parfums de la forêt émergeante nous « droguent ». Odeurs aussi compliquées que les formes.
En cet espace tout le corps exprime, comme si c'était notre âme, un inexorable désir de ressentir autrement les évènements...
Nous continuerons sur une simple bande de terre en direction des aires mouvantes d'un vaste palais végétal aux vivants piliers.
Notre route est désormais un bien mince fil de terre bordé de remparts compacts d'une végétation exubérante et mouvante, capable d'y dissoudre toute vie. Un mince fil de terre, nous rattachant aux oasis de civilisation, fin et fragile comme celui de l'existence.
Il s'agit d'un voyage entre deux mondes. Le pont : une fine cicatrice se balançant sur l'abîme au rythme du vent. L'orchestre des feuilles et des branches y joue avec les murmures de l'esprit
Bientôt il faut se rendre à l'évidence, malgré nos longs efforts nous sommes totalement perdus !
La brise sussure une étrange complainte, on la voit marcher par les hautes herbes et les fourets, s'éloigner puis revenir, comme essayant de capturer les oiseaux du malheur. Véhicule de plus en plus ballotté sur les routes boueuses du chaos, rythmé par le tintement plus vif encore des clochettes Tengu.
Horizon : piège tendu sur un paysage de pins comme des colonnes à l'infini multipliées par des jeux de miroirs. Ici le banal s'est constitué en labyrinthe intelligent gravitant autour des impasses ou des angles ouverts à l'infini. Horreur lustrée de moisissures crachant son infaillibilité du haut de son horloge : l'astre décline.
Nous ferons demi-tour avant d'être capturés par la nuit.
Stupeur au détour : le lac ! ! ! Le temple n'est plus très loin.
Courte halte. Une grosse tête à moitié immergée me fixe sirotant du « CC Lemon ». Je me présente à l'énorme grenouille et lui jette un festin de morceaux de pastèque et de concombre givrés issus de la glacière. C'est un régal de marmouset, englouti à belles dents. Elle rote tel un petit vieux (Naoko rit) et disparaît sous l'émeraude superficiel d'une eau immobile et fermée, capable d'absorber tout esprit contemplatif.
Face à moi, à moins d'un ou deux kilomètres, l'enclos des monts du Temple Jokoji. Le soleil est blanc. Pourtant des teintes obscures pénètrent ce plateau élevé, cette énigme est un creux où les mots se ravivent, c'est un fond où l'âme révélée joue au phénix au bord de l'eau
Naoko lance un bouquet de coquelicots au milieu de l'étendu liquide. Nous reprenons notre route.
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3/3 Le tombeau d'acier
Récit de Naoko San : Je reprends le volant. Bientôt un parking de terre battue, balisé de seaux d'incendie clôture l'unique route. Excès de lumière. Dans la touffeur, traçant notre chemin sous un ciel immobile, dans une marche à la lisière du courage, nous chevauchons un cheval de pierre cabré. De son combat contre le soleil, son corps tout fumant dissimule la tête.
Enfin une clairière : les pierres du temps n'y ont pas encore lapidé tous les Dieux et les Fées. Sous la fraîcheur et l'ombre, l'autel s'y dresse dans une profonde harmonie.
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D'à peine 3 ou 4 mètres de côté, ce n'est pas une simple marqueterie fine : en ces contrées inaccessibles et oubliées, voici sous une splendeur exaltée cachée à la lumière crue, le dernier étendard de l'humanité dressé face aux forces naturelles. C'est un lieu de paix infinie où les arômes de résines, de musc et d'encens se mêlent. Sans doute la 8e merveille du monde.
Amusement : un petit bassin sauvage d'écrevisses à sa gauche, alimenté par un mystère liquide sortant des rochers.
Nous appelons. De longues secondes se passent. Nous cherchons. L'endroit est assurément désert.
Premier examen : cette clairière est le socle d'une montagne plus vaste encore, fumant de trop de brouillards, aux cimes invisibles, emportées aux jeux de l'ombre. 2e examen : un porche de bois millénaire doit donner sur un sentier grimpeur.
Deux Sen l'entrée, c'est plutôt bon marché. 200 yens finissent au fond du tronc muti-centenaire. Une véritable fortune ! !
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Chemin de pierre dans la brume moite. La végétation fait place au roc. De proche en proche les couleurs s'éteignent. Nous stoppons : le Karasu Tengu a perdu sa voix. En fait, C'est l'enclos des morts ! ! ! Jadis des arbres, aujourd'hui des doigts noirs, effilés, tordus de douleur, lançant un gémissement au ciel. Paysage de l'entrée des Enfers. Le ciel lui-même n'est plus qu'une menaçante barrière grise. Je rêve de pouvoir rire de ce cauchemar. Je DOIS impérativement rapporter une photo : à mon éventuel retour personne ne me croirait !
Mais enfin, pourquoi continuons nous ?
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J'ai la nausée : autour, comme un nud léger de l'air, un souffle glacé échappé aux herbes folles du temps, une voix voletant entre l'ombre et la lumière d'éclipse. Face à nous, sur une vaste esplanade couverte de cadavres desséchés de chênes, c'est un vaste mausolée d'acier noir, long d'une vingtaine de mètres, haut de trois, aux épaisses tuiles de plomb, entièrement riveté, intact, scellé depuis au moins un demi millénaire, prévu de l'éternité peut-être
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Je veux partir. Pourquoi lire ? Cette prison n'est présente dans aucun guide à mon avis. Soit, une pierre noire au sol : de Chine sont venus des prêtres-forgerons
Ces Kanji d'un autre temps n'offrent que des significations équivoques. Quand peut-on partir ? C'est bien : voici le seul exemple de tombeau chinois au Japon à sa connaissance. Quand peut-on partir ? Intéressant : il m'assure que les chinois furent les experts mondiaux des alliages et de la sidérurgie jusqu'à la fin du XIXe. Quand peut-on partir ? Pas si vite, il pourrait m'attendre.
Retour rapide, l'orage menace. Joie du sprinter. Non ! Un Barrage : Un immense chien blanc, sous les traits d'un renard ! !?
L'espace d'un instant je reste figée sous le masque d'une peur grande ouverte sur les fenêtres de la mort. C'en est trop, j'ai envie de crier le secours d'un arbre vengeur proche. L'animal fait face dans une curieuse danse. Nous nous dévisageons longuement. Curieux regard de chat, avec quelque chose d'indéfinissablement humain
Mon compagnon se tourne un instant vers moi, rayonnant comme un Joe Yabuki sur le point de monter sur ring - des yeux de tigre - je m'attends à le voir rugir. L'animal blanc a disparu. Quel enchantement !
Nous allons enfin passer la palissade, check point de l'horreur. Précipitation, je me cogne. C'est un couple asiatique parlant français : « Bonjour ! Excuses !Vous japonais d'origine péruvienne, Elle japonaise. Vous rencontrez elle à Paris ? J'en suis forte aise. Vous joli couple impossible société japonaise, je très très désolé, Moi m'en aller maintenant.» « Et toi venir ! Vite ! !», moi dire cela d'un ton calme, impératif et appuyé.
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Dernière surprise : le sort à tous les instants se mélange, il bat sous nos paupières, rampe autour des objets et des lieux, aimant à rappeler la vanité de toute émancipation : tout à coup c'est la foule des dimanches. Comme paraissant sourdre de la forêt elle-même, vêtues de kimonos d'été, une vieille sans âge accompagnée d'une gamine de 7 ou 8 ans viennent à notre rencontre. Notre gardien renard délaisse semble t-il la cachette du fond de l'ombre du temple Jokoji pour saluer la fillette. Langue noire sur ses mains, puis sur le visage terriblement amusé de mon compagnon de voyage s'étant accroupi. « Viens te dis je ! ! ! »
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Départ : Jetant un dernier coup d'il au rétroviseur, mon cur se dilate : le seul véhicule du parking avait été le nôtre ! ! ! ?
Se rendre à Seto : le Shinkensen reste le meilleur moyen d'atteindre Nagoya. De Sakae, la ligne Meitetsu jiunku (semi-express) vous conduira à Seto shiakshomae (environ 500 yens). Arrêt impératif dans ce quartier suspendu hors du temps, à l'abandon depuis une quarantaine d'année, qui vous offrira les joies d'un décor d'Ozu : distributeurs de boissons, publicités d'époque, magasins fantômes, maisons traditionnelles de bois, orphelines de leurs occupants mais contenant souvent encore leur mobilier
Tout restera en l'état, jusqu'à démolition : en vue de recevoir la prochaine Exposition Universelle (http://www.city.seto.aichi.jp/), la ville se métamorphose un peu plus chaque jour en un Attractions-Land. Point positif : le parc hôtelier y gagne en qualité.
Premier centre de production de céramique au Japon, fort d'un héritage culturel s'étalant sur 1300 ans, Seto possède un Musée ultramoderne. S'étendant sur plusieurs hectares, il est doté d'une très riche collection de poteries (de la préhistoire à nos jours), de fours millénaires, de sites archéologiques couverts et de nombreux ateliers. N'hésitez pas à mettre les mains à la glaise, c'est une superbe invitation à la compréhension de la culture, des arts, et des métiers traditionnels (http://www.outdoorjapan.com/agaichi2.html).
Mes Bonnes adresses :
BookOff de Seto, petite foire permanente aux livres d'occasions (sur la route principale Seiko Sen)
Les meilleurs Yakisoba du Aichi-Ken Chikagai (centre ville de Seto, près du Temple Fukakawa Jinga)
Je déconseille bien évidemment la visite du Temple Jokoji, préférez lui Okasaki lieux de naissance de Tokugawa Ieyasu (ligne Meitetsu Onsen environ 600 Yens), ou la rencontre des artisans des petits ateliers traditionnels de Seto.
« En chemin ne laissez pas échapper une seule goutte de l'océan de curiosité. Cultivez un esprit capable de lutter pour augmenter la source de nouveauté sur la montagne de nouveauté. » (Dogen)
« Malgré pierres et racines, Toute en ondulations, L'eau s'écoule en murmurant » (Wariko Kai)
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